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Journal d'un écolo
Journal d'un écolo
2 novembre 2012

L'écologie radicale et le survivalisme

Frédéric Dufoing a accordé un entretien au Nouvel Oservateur à propos d'un article sur les survivalistes qui doit paraître la semaine prochaine. L'auteur de "L'écologie radicale", paru aux éditions In Folio en 2012, m'a autorisé à diffuser l'intégralité de cet entretien qui malheureusement n'est réduit qu'à une citation dans Le Nouvel Observervateur.

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ENTRETIEN AVEC UNE JOURNALISTE DU NOUVEL OBS A PROPOS DES SURVIVALISTES QUI VA ETRE CITE (ET DONT VOICI LA TOTALITE) : si je connais bien la nouvelle droite, je connais peu les divers mouvements indentitaires, sinon par les élucubrations vaseuses d'un Soral... Mais je peux déjà vous faire une remarque générale concernant le rapport entre l'écologie radicale et les mouvances d'extrême-droite :

1)

Si l'on met à part le soi-disant éco-fascisme qui, à mon avis, est une baudruche puisque l'écologisme naît du refus de la centralisation du pouvoir, voire du pouvoir lui-même, il y a par contre des connexions possibles et parfois explorées entre divers mouvements de droite radicale (comme la nouvelle droite) ou d'extrême droite islamophobe et xénophobe (comme les identitaires) - j'insiste sur la distinction entre la droite radicale et l'extrême droite, même si certaines ambigüités peuvent prêter à confusion - par le biais des thématiques d'enracinement, de culturalisme et de critique de la culture occidentale (et au passage, du christianisme) que portent la plupart des écologistes radicaux.


- Les écologistes (les biorégionalistes aux USA, les décroissantistes en Europe) évoquent le local, le petit, le fait d'organiser une communauté et une économie sur les ressources disponibles, à gérer ensemble, ainsi que la nécessité de redécouvrir (intellectuellement et affectivement) non pas la nature mais l'environnement spécifique dans lequel on vit et auquel on doit s'adapter; certains mouvements d'extrême droite y voient la justification d'un enracinement biologico-culturel qui s'oppose à toute forme de métissage ainsi qu' une justification du culturel par le naturel (en gros, ce que nous créons est ce que nos gènes nous dictent). Cette position, qui valorise des ensembles ethniquement homogènes, voire nationaux, donc une idéologie völkisch, et refuse les mouvements de population est tout à fait incompatible avec celle des écologistes, qui valorise des régions où diverses cultures se côtoient et collaborent, ainsi que ce que Moscovici appelait le « recyclage culturel ».


- D'autre part, de la passion des écologistes radicaux pour la défense des cultures indigènes, non occidentales, et de leur volonté de se ressourcer, de trouver des solutions aux problèmes actuels en s'inspirant de pratiques d'autres cultures (le même fameux « recyclage culturel »), les mouvements d'extrême droite ne retiennent qu'un relativisme culturel (aucune culture n'est supérieure à une autre) qui exige que chaque culture reste « pure », se protège des autres, refuse, là encore, le métissage (étant moi-même relativiste culturel mais aussi enthousiaste concernant la dynamique des mélanges, j'ai eu bien des fois ce débat avec des amis de nouvelle droite : nous ne tombons jamais d'accord!).


- La critique de la modernité (à laquelle l'écologisme reproche un rapport biaisé et mécaniste, objectiviste, à la nature; un individualisme libéral creux; l'obsession de la technique, de la raison utilitaire, de la croissance économique, le surdéveloppement étatique, etc.) et de l'Occident (colonisateur, "développeur", "homogénéisateur", fordiste, déshumanisant, etc.) opérée par les écologistes radicaux est sur de quelques points (l'américanisation et le consumérisme) proches des positions de la droite radicale ou réactionnaire (finalement, très anti-totalitaire, un peu à la manière de Burke contre la révolution française); elle est par contre très éloignée de celle des mouvements identitaires et d'un Soral dont la xénophobie voire le racisme sont d'une triste et dangereuse banalité.


Sans être un grand connaisseur des survivalistes (je tiens à la souligner!!!), je peux néanmoins vous dire que si un Vol West emprunte effectivement un certains nombre de principes éthiques, de valeurs aux écologistes radicaux (la valorisation de l'autonomie, un très grande méfiance vis-à-vis de la technique et de l'Etat, un scénario de crise catastrophiste et un certain nombre de techniques agricoles (permaculture) ou de simplicité volontaire, une valorisation de l'artisanat, une défiance vis-à-vis du « grand », etc.), il ne me paraît pas nécessairement représentatif de tout le mouvement survivaliste et, surtout, il en fait non pas un projet politique, c'est-à-dire de communauté de vie ou d'alternative de vie (comme la promeuvent les simplicitaires ou des organisations comme Kokopelli), ni un projet de reconnexion intime, psychologique, avec la nature (comme chez les anarcho-primitivistes ou au sein de l'écologie profonde) mais un projet moral (chaque individu doit se préparer au pire pour défendre sa famille), plus ou moins paranoïaque (puisqu'il s'agit non pas d'organiser une société mais de se faire sa place dans le chaos), par ailleurs très individualiste et typiquement américain par son imaginaire viril (la Wilderness, le western, le flingue pour se protéger tout seul); je retrouve, au fond de son discours, quelque chose qui évoque Ted Kaczynski (Unabomber), sauf que ce dernier attaquait la société, ne se voyait pas seulement dans une logique d'autodéfense. Outre que ce n'est pas un projet politique, il y a une autre différence entre ce que propose le survivalisme et ce que propose l'écologisme radical : la plupart des écologistes radicaux défendent un position, une méthode très « douce » et éthiquement plutôt gandhiste, d'ashimrâ, qui implique le moins de rapports de coercition possible; il y a en effet un discours à la fois très « maternant » (issu de l'écoféminisme), très esthétisant et très spiritualiste chez eux qu'on ne rencontre pas, si j'en crois ce que je lis sur les sites survivalistes, chez Vol West ou chez Rawles; les survivalistes me paraissent plus fascinés par les pics d'adrénaline fantasmés, par leur virilité et par le défi personnel de lutter contre un environnement hostile (à la manière des émissions de télé) que par un projet politique. D'autre part, le discours survivaliste sent le darwinisme social à plein nez alors que les écologistes (radicaux comme modérés) plaident pour les solidarités communautaires dont ils trouvent des exemples dans la nature même. Il faut donc bien se garder d'en faire des écologistes, notamment parce que l'un des principes de l'écologisme, issu de Jacques Ellul, c'est que la méthode est au moins aussi importante que l'objectif. Au delà de l'effet de mode qui conjugue des problèmes d'ego, le « gadgettisme », des discours médiatiques, une posture masculine mise à mal et, en tout cas, un vrai mal-être de civilisation (que les écologistes ont diagnostiqué et traité sous toutes ses facettes depuis longtemps), il faudra suivre ce mouvement pour voir s'ils n'a pas tout de même un potentiel, celui de devenir une sorte d'écologisme de droite non-libérale, ce que l'anarchisme individualiste était à l'anarchisme tout court, sociologiquement séduisant pour une catégorie de population que les aspects disons, « formels », maternant, de l'écologisme ne touchent pas. Très franchement, je n'y crois pas : l'imaginaire qui y est développé, la fascination adolescente, ludique, de la mort et des armes, le discours très égotiste des têtes de proue (« du moi je » en veux-tu, en voilà) en font un niche marketing et d'exutoire cathartique plutôt qu'un projet politique. Au mieux, j'y vois une position de replis d'écologistes radicaux déçus.

Pour bien me faire comprendre, j'ai une anecdote à raconter : il y a des années de cela, j'avais le projet (qui m'avait été inspiré par les pratiques d'un groupe bruxellois qui s'appelait l'homme au foyer, et qui faisait le maximum de choses par lui-même : poterie, construction de fours à pain, etc.), dans la ligne de ce que défendait Illich, de créer une bibliothèque de ressources (à commencer par le jardinage) sur les techniques et artisanats anciens (en fait cela existe sur les centaines de blogs, de revues et de sites écologistes; dans le domaine des graines, c'est ce que fait kokopelli). Je vous raconte ceci pour vous montrer la différence entre, d'une part, une réflexion proprement écologiste, qui cherche à mettre des informations à la disposition de tout le monde et pour l'organisation d'une communauté de vie (comme le disait Gandhi : vivre simplement pour que simplement les autres puissent vivre) et, d'autre part, l'optique des survivalistes, finalement très consumériste, pananoïaque et seulement individualiste, où la destinée de l'humanité et de la nature importe peu. Pour ces gens, tout est déjà foutu, il faut survivre au mal, envers et contre tout et tous; pour les écologistes, il faut éviter que le mal advienne et préparer le mieux. Là dessus, quand les survivalistes vous parlent de jungle urbaine, vous avez bien compris que ces braves petits blancs font pipi dans leur culotte quand ils passent dans un quartier d'immigrés...


Quant à la connexion avec les identitaires, je suppose que vous faites allusion à Piero San Giorgio, qui fricote à la fois avec Soral et Vol West. San Giorgio et Soral ont en commun une inculture d'amalgames et, manifestement, un très grand problème d'ego (ce sont des espèces de nouveaux-riches, des Berlusconi, vulgaires et superficiels, de la pensée), mais c'est à peu près tout ce que je sais vous en dire... Contrairement à eux, je ne connais pas tout sur tout...
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Commentaires
K
Je ne peux pas être en désaccord totalement avec votre article.<br /> <br /> <br /> <br /> Le survivaliste est avant tout une personne prévoyante... Nous avons tous une assurance-vie, une assurance pour la voiture, pour la maison etc.... Le survivaliste se fait sa propre assurance catastrophe ou assurance perturbation.<br /> <br /> On le voit présentement à New York, un ouragan peut devenir rapidement une catastrophe d'envergure. Pénurie de fuel, de bouffe, peu ou pas de transports. Des gens sans ressources.... Le survivaliste se prépare à atténuer les effets négatifs d'une catastrophe si il le peut (un survivaliste ne pourra rien faire contre l'explosion d'une bombe atomique à proximité immédiate ;) ).<br /> <br /> Il se stocke de la nourriture, de l'énergie (fuel, électricité) et ne sera pas pris au dépourvu.<br /> <br /> En fait, le survivaliste n'aura pas besoin de l'État qui somme toute, utilise des fonctionnaires qui eux aussi ont une famille qui est possiblement tout aussi démunie que ceux qu'ils doivent secourir....<br /> <br /> <br /> <br /> Par contre il est vrai que certains survivalistes se payent une poussée d'adrénaline par anticipation. D'autres ont des but très mercantiles.<br /> <br /> Certains sont aussi très généreux de leur temps (voire même de leur argent) et mettent en pratique des principes d'entraide et de fraternité, <br /> <br /> <br /> <br /> J'aurais aimé que cet article s'y intéresse un peu.
P
Des articles comme ca ne valent pas grand chose, une seule chose compte chez beaucoup de survivalistes, sauvés ceux qu'on aime, et beaucoup le font car ils ont peur pour leur famille. Après, concernant la paranoïa, et bien, disons qu'il y a un camps, ceux qui croivent les gens qui passent a la télé, les seules d'ailleurs, et ceux qui croit les quelques personnalités dont les prédictions se vérifient depuis 10 ans(Delamarche par exemple, mais si lui passe sur BFM) et qui le disent, la société européenne et américaines et entrain de tomber, la crise des sub primes a tout déclenché, et aujourd'hui, avec une dette croissante, faites vous a 100 % confiance au gouvernement actuel ? Depuis 40 ans, le système politique décoit les francais, et depuis 40 ans, on se dit, "ahhh, on a de la chance d’être passé de truc a machin, la vie va changé!!" Les citoyens devrait comprendre que, comme dans le reste de l' Histoire, le changement vient d'en bas. Ca l'a été et ca le restera, vous vous voulez changez les choses, agissez, selon vos convictions, faites ce qui vous semble le meilleur pour vous, pour votre famille, pour le monde, peu importe, agissez comme cela vous semble le mieux!
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